PONTICELLI Lazare (Lazzaro Ponticelli : 1897-2008)

Cimetière parisien d’Ivry (94) - 41ème division
mardi 6 avril 2010
par  Philippe Landru

BMP - 91 ko

Issu d’une famille pauvre italienne, Lazare Ponticelli vint à Paris à l’âge de 9 ans alors qu’il ne parlait pas français. Il exerça plusieurs petits métiers.

En 1914, trichant sur son âge, il intégra dans le 4e régiment de marche du 1er régiment étranger, le régiment « Garibaldien », constitué majoritairement d’italiens sous encadrement français. Il participa aux combats dans l’Argonne. En mai 1915, il se trouvait près de Verdun, lorsqu’il fut démobilisé : l’entrée en guerre de l’Italie l’obligea, contre son gré, à rejoindre l’armée italienne. Il combattit les Autrichiens et fut blessé.

Démobilisé et de retour en France en 1920, il fonda avec ses deux frères, Céleste et Bonfils, Ponticelli Frères, une société de fumisterie. Cette entreprise est devenue aujourd’hui une petite multinationale assez connue dans le domaine de la construction et de la maintenance industrielle.

Engagé dans la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale, il prit sa retraite en 1960.

Sa vie aurait pu être celle de nombreux poilus, mais le sort en décida autrement : à la mort de Louis de Cazenave, il devint le 20 janvier 2008 à la fois le doyen des Français, mais également le dernier poilu ayant combattu sous le drapeau français durant la Première Guerre mondiale. Dès lors, les articles de journaux fleurirent sur ce phénomène de longévité, mais plus encore sur un symbole.

L’émotion à sa mort fut grande et non feinte : tant qu’un soldat vivait, cette guerre gardait une dimension contemporaine. Avec sa disparition, elle entrait définitivement dans l’histoire. La mort de Lazare Ponticelli renvoya tous les Français à leur propre histoire : celle des récits des pères, des grands-pères, tous disparus avant lui.

En 2005, le Haut conseil de la mémoire combattante, présidé par le président de la République, avait décidé que seraient organisées des obsèques de portée nationale pour le dernier combattant de 1914-1918 et que celui-ci serait enterré au Panthéon. Lazare Ponticelli avait déclaré « Je refuse ces obsèques nationales. Ce n’est pas juste d’attendre le dernier poilu. C’est un affront fait à tous les autres, morts sans avoir eu les honneurs qu’ils méritaient. On n’a rien fait pour eux. Ils se sont battus comme moi. Ils avaient droit à un geste de leur vivant... Même un petit geste aurait suffi ». Sa fille indiqua par la suite que si elle pouvait accepter une cérémonie nationale simple dédiée aux morts de la Première Guerre mondiale, elle exigeait que son père soit enterré dans le caveau familial.

Le 11 novembre 2007, il assista à ses dernières commémorations de l’Armistice dans sa ville du Kremlin-Bicêtre. L’annonce de sa mort a été faite par la présidence de la République française, depuis l’Élysée.

Lazare Ponticelli a reçu des obsèques nationales aux Invalides le 17 mars 2008 en présence de Nicolas Sarkozy, de Jacques Chirac, des présidents des deux assemblées, du Premier ministre François Fillon et des principaux membres du gouvernement français, ainsi que du ministre italien de la Défense. Son cercueil était porté par onze légionnaires du 3e régiment étranger d’infanterie, héritier du 4e régiment de marche de la Légion étrangère où avait servi Lazare Ponticelli. Une messe fut célébrée en l’église Saint-Louis des Invalides, puis les honneurs militaires lui furent rendus dans la cour d’honneur par la Légion étrangère et un détachement d’Alpini, les chasseurs alpins italiens dans lesquels il avait également servi à partir de 1915.

Son éloge funèbre fut prononcé par Max Gallo. Il fut ensuite inhumé, dans l’intimité, au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine.

Symboliquement également, Lazare Ponticelli fit un triple pied-de-nez à l’histoire : aux nationalistes nostalgiques, il tint jusqu’à la fin, avec beaucoup de lucidité, un discours très critique vis-à-vis de la guerre. Aux tenants d’une « identité nationale » frelatée, notre dernier poilu français opposa... sa nationalité italienne d’origine ! Enfin, aux pompes si mal adaptées de la République (et à la récupération politique qui en aurait sans doute été faite), sa famille a eut le bon goût de préferer, à la froideur du Panthéon, l’inhumation auprès des siens (en particulier ses frères et soeurs). Une plaque sur sa tombe est un hommage des Alpini, corps dans lequel il combattit en Italie.


Commentaires